bo Le Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Le Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.

Enseignements primaire et secondaire

Recommandations pédagogiques

Un apprentissage fondamental à l'école maternelle : découvrir les nombres et leurs utilisations

NOR : MENE1915454N

Note de service n° 2019-085 du 28-5-2019

MENJ - DGESCO A1-1

Texte adressé aux rectrices et recteurs d'académie ; aux inspectrices et inspecteurs d'académie-directrices et directeurs académiques des services de l'éducation nationale ;  aux inspectrices et inspecteurs de l'éducation nationale du premier degré ; aux directeurs des écoles et des établissements d'enseignement privés du premier degré sous contrat ; aux professeurs des écoles et des établissements d'enseignement privés du premier degré sous contrat

Amener chaque enfant à s'approprier peu à peu le concept de nombre, expression de la quantité précise d'objets d'une collection (aspect cardinal), et à savoir que le nombre peut désigner, dans d'autres situations, un rang, une position ou un numéro (aspect ordinal), est l'un des enjeux majeurs de l'école. Dans cet apprentissage des nombres, appréhender, comprendre et connaitre les quantités jusqu'à dix doivent former un socle solide pour les apprentissages ultérieurs et nécessitent toute l'attention des professeurs pendant tout le cycle 1.

En fin de grande section, les élèves doivent avoir appris à réaliser, à comparer ou à quantifier des collections, à lire l'écriture chiffrée des nombres au moins jusqu'à dix, à ordonner les nombres et à dire combien il faut ajouter ou soustraire pour obtenir des quantités ne dépassant pas dix. La construction de ces compétences est liée à la découverte du concept de nombre et à l'appropriation des compositions et décompositions des quantités jusqu'à dix, sans exclure un travail de comparaison sur des collections plus grandes.

En fin d'école maternelle, les élèves doivent aussi savoir utiliser le nombre pour exprimer et comparer un rang, pouvoir dire la suite orale des nombres jusqu'à trente et positionner des nombres sur une ligne numérique. Le développement de ces capacités doit être assuré à l'école maternelle, tout au long du cycle, à travers le jeu et la résolution de problèmes concrets.

La présente note de service exprime des recommandations dans ce sens, en cohérence avec le programme d'enseignement de l'école maternelle.

www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=86940

Une priorité : stabiliser la connaissance des petits nombres jusqu'à dix

Dénombrer signifie littéralement « déterminer le nombre de ». À l'école maternelle, la stabilisation de la notion de nombre s'exprime à travers la capacité de l'élève à :

- donner, montrer ou prendre un nombre donné d'objets ;

- déterminer le cardinal d'un ensemble d'objets ;

- comparer avec précision des collections entre elles ;

- décomposer / recomposer les nombres (il sait par exemple que 4 c'est 2 et 2 et que le total de deux groupes de 2 objets fait 4) ;

- et utiliser ces compétences pour résoudre des problèmes concrets.

Dès la naissance, l'enfant est capable d'estimation et de comparaison perceptive et globale des grandeurs. Cette capacité perceptive n'a pas la précision du dénombrement ou du calcul mais elle constitue une base qui permet de proposer très tôt aux élèves d'apprendre à estimer des ordres de grandeurs et à les comparer en utilisant les concepts et le vocabulaire approprié (beaucoup, pas beaucoup, plus, moins, autant, beaucoup plus, etc.). Les ordres de grandeurs et les comparaisons sont, durablement, des clés pour accéder aux concepts mathématiques.

La mise en correspondance des quantités avec des systèmes de symboles pose problème à tous les élèves, qu'il s'agisse de la suite orale des noms de nombres, des configurations de doigts, des abaques ou des chiffres arabes. En arrivant à l'école maternelle, les élèves peuvent apparemment discriminer à vue d'œil les petites quantités (un, deux et trois), voire énoncer le début de la suite numérique orale, mais ils ne maîtrisent pas pour autant le nombre et le comptage. Ils doivent donc apprendre, d'une part que le nombre (3 par exemple) est indépendant de l'apparence, de la taille, de la forme et de la disposition des objets de la collection ou de l'espace qu'ils occupent, d'autre part que « trois » correspond à un cardinal précis, incluant « un », « deux », « trois ». Cet apprentissage implique de multiplier et de varier les sollicitations, il doit être réalisé successivement pour chacun des nombres jusqu'à dix, au moins.

Les activités ayant pour but la construction de l'aspect cardinal des nombres visent la construction progressive des quantités jusqu'à cinq puis jusqu'à dix, en s'attachant à travailler la composition, la décomposition et la recomposition de ces petites quantités (trois, c'est deux et encore un ; un et encore deux ; quatre, c'est deux et encore deux ; trois et encore un ; un et encore trois). Composer/décomposer les nombres est une première étape vers la mémorisation des résultats additifs et multiplicatifs qui sera développée à l'école élémentaire.

Ces activités, réitérées, installent les liens entre le nom des nombres, l'écriture chiffrée, la reconnaissance des constellations du dé et d'autres constellations liées à la décomposition des nombres (par exemple un domino 4 et 2 pour le nombre 6), la reconnaissance et l'expression d'une quantité avec les doigts de la main, la correspondance terme à terme avec une collection de cardinal connu. Une bonne connaissance des symboles des nombres, à l'écrit comme à l'oral, et la capacité à passer rapidement des symboles à la quantité correspondante, sous diverses formes, nécessitent des répétitions quotidiennes et seront des compétences clés pour calculer de façon efficace.

Des activités mettant en œuvre le processus d'itération de l'unité (7 c'est 6+1), qui donnent sens à la relation d'ordre entre les nombres (7 c'est plus petit que 8, ou 7 c'est moins que 8), sont aussi proposées. En complément, on développe la connaissance de la suite orale des noms de nombres (a minima jusqu'à trente à la fin de la grande section).

Dénombrer est une compétence complexe qui met en lien plusieurs connaissances et compétences qui s'acquièrent en parallèle. La connaissance de la suite orale des noms de nombres ne suffit pas pour qu'un élève parvienne à dénombrer ou constituer à coup sûr une collection d'objets d'une quantité donnée. Au-delà de la capacité de faire abstraction de certaines propriétés des objets de la collection à dénombrer (compter une grosse bille comme une petite, une bille bleue comme une rouge, etc.) et de la connaissance du principe du cardinal (le dernier mot-nombre énoncé fait référence au nombre total d'objets comptés et pas à un objet particulier), l'enfant doit maîtriser la synchronisation du pointage des éléments de la collection avec la récitation des noms des nombres et apprendre à énumérer tous les éléments de la collection (pointer une et une seule fois, sans en oublier). Cette compétence d'énumération s'acquiert dans l'action, en dénombrant activement, et il est déterminant de concevoir, et proposer aux élèves, des situations permettant des manipulations nombreuses et variées, en prenant le temps nécessaire chaque jour et dans la continuité du cycle 1.

Des situations pédagogiques spécifiquement organisées pour donner sens aux nombres

À l'école maternelle, les élèves rencontrent les nombres dans de nombreuses activités et situations de vie de la classe (jeux divers, utilisation d'objets, préparation de matériel, affichages, etc.). Ces usages donnent sens aux nombres et concourent à leur apprentissage, en le renforçant ou en le préparant, mais ne suffisent pas pour que les élèves construisent les compétences numériques visées par le programme. Dès la petite section et tout au long du cycle, des temps spécifiques d'enseignement doivent être organisés et planifiés quotidiennement, avec des objectifs précis, pour un apprentissage approfondi des nombres.

Le jeu, essentiel au développement de l'enfant, est un appui pédagogiquement efficace et pertinent pour l'enseignement, notamment celui des nombres. En vue de l'acquisition d'un savoir précis, l'enseignant initie des jeux comportant des règles en lien avec les objectifs d'enseignement définis. Dans les phases de jeu, l'élève conserve sa liberté d'agir, de prendre des décisions, de faire ses essais, de construire sa propre expérience. L'usage en classe, en petits groupes, de jeux structurés faisant intervenir des nombres doit être quotidien : jeux avec des dés divers, jeux de lotos, de dominos, de bataille, jeux sur plateaux ou pistes numériques, etc.

Les dés, notamment, sont des outils facilement adaptables aux objectifs visés : différents nombres peuvent être identifiés sur leurs faces, ainsi que différentes écritures des nombres (constellations, chiffres, doigts, etc.). Il est important de privilégier les jeux à deux dés (ou trois) plutôt qu'avec un seul dé, pour conduire les élèves à devoir ajouter les deux nombres.

L'enseignant propose aussi très fréquemment aux élèves des situations problèmes dans lesquelles la réponse n'est pas d'emblée disponible : trouver une quantité donnée d'objets, le nombre nécessaire d'objets pour compléter une boîte dont le nombre de cases est donné ou connu (j'en veux 6 et pour l'instant j'en ai 2). L'activité donne lieu à des questionnements qui invitent à anticiper, choisir, décider, essayer, recommencer, se demander si la réponse obtenue convient et comment le vérifier. Ces situations d'apprentissages sont répétées autant que nécessaire, dans des contextes très variés, pour que les élèves, en particulier les plus jeunes, qui ne saisissent pas tout de suite l'ensemble des contraintes liées à une situation, puissent s'en emparer. La répétition des situations leur permet de mieux en comprendre les enjeux, d'y investir et réinvestir des procédures dont ils pourront éprouver l'efficacité.

Les activités d'apprentissage proposées s'appuient sur un matériel varié (cubes, gobelets, boites, jetons, petites voitures, etc.). Il s'agit de situations réelles (jeux, situations élaborées par l'enseignant, situations tirées des activités de la classe) permettant la manipulation de quantités tangibles. Le dénombrement répété de collections d'objets physiques est essentiel pour la construction de la notion de nombre. Les activités quotidiennes d'apprentissage et d'entraînement qui y concourent ne sont pas compatibles avec un travail sur fiches, sur des dessins de collections.

Un apprentissage progressif, qui s'appuie sur le langage oral et écrit

La découverte du nombre et de ses utilisations est liée à la construction d'un langage oral et écrit précis qui contribue à structurer les connaissances et à les fixer en mémoire. La verbalisation par l'enseignant et par l'élève des actions réalisées et de leurs résultats constitue une aide importante à la prise de conscience des procédures utilisées et de leurs effets. L'enseignant est attentif à organiser les échanges oraux pour aider à structurer les apprentissages des élèves : il aide à décrire les situations, les relations, à justifier et commencer à argumenter ; il attire l'attention sur certaines procédures et connaissances utilisées en situation ; il introduit le vocabulaire spécifique (noms des nombres, adverbes de quantité) pour que les enfants se l'approprient et l'utilisent.

L'usage des chiffres est une partie importante de la découverte du nombre. Il soutient l'élaboration de sa représentation mentale. Les premières écritures chiffrées des nombres sont introduites progressivement, en lien avec l'appropriation de la quantité correspondante et la résolution de situations concrètes. En ajoutant une contrainte d'éloignement dans l'espace et dans le temps dans l'organisation d'une situation, ou en demandant de transmettre une information sans parler, on rend nécessaire l'utilisation d'une trace écrite pour garder des informations en mémoire. Cet usage de l'écrit pour se souvenir est une découverte importante. L'enseignant aide à comprendre que la conservation de l'information de quantité passe par l'élaboration d'un code commun (les nombres) et mobilise rapidement cette connaissance.

L'apprentissage de l'écriture chiffrée des nombres s'appuie sur la compréhension du sens de ce code commun. La progression de la capacité de lecture et d'écriture des nombres en chiffres s'organise sur l'ensemble du cycle, notamment à partir de quatre ans. Parallèlement, l'enseignant veille à ce que l'apprentissage du tracé des chiffres se fasse avec rigueur. À la fin de l'école maternelle, il est attendu des élèves qu'ils lisent, écrivent et ordonnent les nombres écrits en chiffres jusqu'à dix. L'apprentissage des nombres se poursuivra au début de l'école élémentaire en prenant appui sur ces compétences et ces savoirs acquis.

Un enseignement différencié et régulé par l'observation des progrès des élèves

Les jeux, ateliers en groupe ou séances collectives permettent de repérer les progrès et les difficultés des élèves. Ces observations orientent la suite des activités et situations pédagogiques à leur proposer. L'enseignant planifie, régule et différencie les activités qu'il propose aux groupes d'élèves en variant notamment la taille des collections, le fait de pouvoir agir ou non sur les objets (les déplacer ou non), le fait d'avoir à anticiper la réponse lorsque les objets sont éloignés ou dissimulés. Ces variables importantes amènent progressivement les élèves à faire évoluer leurs procédures et à construire les savoirs attendus.

Quand une évaluation individuelle s'avère nécessaire pour mieux cerner les besoins particuliers d'un élève, elle prend appui sur des collections d'objets et du matériel, concrets et manipulables. De manière générale, le travail sur fiches doit être exceptionnel. Il est notamment déconseillé d'utiliser des fiches pour une évaluation individuelle des compétences des élèves avant la grande section, certains d'entre eux pouvant être mis en difficulté parce que la situation est représentée et non vécue. En tout état de cause, le travail sur fiche ne saurait être proposé aux élèves sans un vécu préalable de la même activité en classe et pas avant la dernière partie de l'année scolaire de grande section.

Le ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse,
Jean-Michel Blanquer