bo Le Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Le Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.

Enseignements primaire et secondaire

Protection de l'enfance

Organisation des actions d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée

NOR : MENE2204209C

Circulaire du 7-2-2022

MENJS - DGESCO C2-2

Texte adressé aux recteurs et rectrices d'académie ; aux inspecteurs et inspectrices d'académie-directeurs et directrices académiques des services de l'éducation nationale ; aux inspecteurs et inspectrices chargés des circonscriptions du premier degré ; aux cheffes et chefs d'établissement du second degré ; aux inspecteurs et inspectrices d'académie-inspecteurs et inspectrices pédagogiques régionaux ; aux directeurs et directrices d'école ; aux directeurs et directrices d'école supérieure du professorat et de l'éducation

L'organisation des actions d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée en milieu scolaire s'inscrit dans la politique de protection de l'enfance qui « vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l'enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits », en application de l'article L. 112-3 du Code de l'action sociale et des familles (CASF). Cette politique s'appuie sur les dispositions de la convention internationale des droits de l'enfant entrée en vigueur le 2 septembre 1990. « Elle comprend des actions de prévention en faveur de l'enfant et de ses parents, l'organisation du repérage et du traitement des situations de danger ou de risque de danger pour l'enfant ainsi que les décisions administratives et judiciaires prises pour sa protection. »

L'éducation nationale contribue à cette politique interministérielle sur les volets de la prévention et du repérage des situations de danger ou de risque de danger en partenariat avec les acteurs locaux. L'École est en effet un lieu privilégié en termes d'observation, de repérage et d'évaluation des difficultés scolaires, sociales, familiales et de santé des élèves. Au contact quotidien des élèves et des parents, l'école offre la possibilité d'accueil de la parole de l'enfant et d'échange avec les parents et facilite ainsi une intervention précoce. L'assurance pour chaque enfant d'être accueilli dans un lieu d'éducation sécurisant par des adultes bienveillants, contribue à la libération de cette parole.

Tous les personnels de l'éducation nationale, en particulier ceux en contact quotidien avec les élèves, sont tenus de contribuer au repérage et au signalement des situations de danger ou de risque de danger pour l'enfant, en application des dispositions des articles L. 226-2-1 et L. 226-4 du CASF. Ils bénéficient de l'appui et de l'expertise du service social en faveur des élèves (SSFE) qui met en œuvre, en lien avec les médecins et les infirmiers, la politique éducative sociale et de santé du ministère chargé de l'éducation nationale au sein des établissements d'enseignement.

Les circuits de signalement sont tenus de respecter les termes des protocoles établis entre le président du conseil départemental, chef de file de la protection de l'enfance, le représentant de l'État dans le département, les partenaires institutionnels concernés et l'autorité judiciaire, en vue de centraliser le recueil des informations préoccupantes au sein d'une cellule de recueil, d'évaluation et de traitement des informations préoccupantes (Crip). Si les personnels de l'éducation nationale ont un devoir de transmission et de signalement, ils n'ont pas la responsabilité de l'enquête, de l'évaluation et de la mise en œuvre des dispositifs de protection de l'enfance qui relèvent de la responsabilité du président du conseil départemental et du procureur de la République.

L'action de prévention de l'éducation nationale repose sur une stratégie de soutien à la parentalité et de lien école-famille, mise en œuvre par le biais d'actions individuelles et collectives (le café des parents, espace parents, dispositif « Ouvrir l'École aux parents pour la réussite des enfants », etc.) et de la mise à disposition de ressources à destination des familles, et sur l'organisation, au moins une fois par an, d'une séance « d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée, notamment sur les violences intrafamiliales à caractère sexuel, [inscrite] dans l'emploi du temps des élèves » (cf. art. L. 542-3 du Code de l'éducation).

1. Organisation et objectifs des séances d'information et de sensibilisation à l'enfance maltraitée

L'organisation de ces séances est à l'initiative du directeur d'école ou du chef d'établissement, en concertation avec l'équipe éducative. Ces derniers veillent à associer « les familles et l'ensemble des personnels, ainsi que les services publics de l'État, les collectivités locales et les associations intéressées à la protection de l'enfance » (cf. art. L. 542-3 du Code de l'éducation). Les chefs d'établissement peuvent utilement s'appuyer sur les comités d'éducation à la santé, à la citoyenneté et à l'environnement (CESCE) qui concourent aux initiatives en matière de « lutte contre les violences » (cf. art. L. 421-8 du Code de l'éducation). Le cas échéant, le directeur d'école peut s'appuyer dans les mêmes conditions sur le CESCE inter-degrés.

Les séances d'information et de sensibilisation à l'enfance maltraitée s'inscrivent dans les programmes et le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Elles participent au développement des compétences psychosociales des élèves dans une démarche promotrice de santé, d'éducation à la sexualité et à l'égalité hommes-femmes et de prévention des violences et de la lutte contre le harcèlement.

Eu égard aux retentissements qu'elles sont susceptibles d'avoir sur les élèves, notamment la libération de la parole de ceux victimes de maltraitances, le chef d'établissement ou le directeur d'école informe en amont le service social en faveur des élèves (SSFE) de l'organisation d'une telle séance. Le SSFE pourra apporter son expertise et être associé à l'intervention et porter une attention renforcée aux élèves bénéficiaires de cette action. Il gagnera à se mettre en situation d'accompagner l'équipe éducative dans une procédure d'information préoccupante ou de signalement et, le cas échant, d'accompagner l'élève.

Les séances d'information et de sensibilisation à l'enfance maltraitée sont adaptées au degré de maturité des élèves. Elles ont pour objectif de permettre aux élèves :

  • de développer des compétences leur permettant de se prémunir de situations et d'actes de maltraitance dont ils pourraient être l'objet ;
  • d'acquérir des connaissances sur leurs droits, les ressources et personnes à mobiliser pour leur permettre, dans le respect d'autrui, de réagir efficacement à des situations et d'actes de maltraitance dont eux-mêmes ou un de leurs proches seraient victimes.

Les personnes à mobiliser indiquées aux élèves sont les personnels de l'éducation nationale, en particulier les personnels sociaux et de santé. Les ressources à mobiliser communiquées aux élèves sont le Service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger (Snated-119) et les numéros verts 3018 et 3020 lorsque la séance porte sur la lutte contre le harcèlement. Cette liste est limitative.

Les séances d'information et de sensibilisation à l'enfance maltraitée peuvent s'appuyer sur des temps forts comme la Journée mondiale des droits de l'enfant organisée chaque année le 20 novembre.

2. La mise en œuvre des séances d'information et de sensibilisation à l'enfance maltraitée

Les séances d'information et de sensibilisation à l'enfance maltraitée sont soumises à des principes éthiques et déontologiques. Les intervenants :

 

  • instaurent et assurent dans le groupe un climat de confiance, de respect et un principe de confidentialité pendant et après la séance ; cette confidentialité est respectée dans la limite où elle n'entre pas en contradiction avec l'obligation de signalement des situations de danger ou de risque de danger pour l'enfant prévue aux articles L. 226-2-1 et L. 226-4 du CASF ;
  • respectent chacun, autant dans la prise de parole que dans le silence ;
  • encouragent les échanges et l'élaboration commune des réponses à partir des préoccupations des élèves, en toute neutralité, sans imposer leurs propres questions et réponses ;
  • ne font pas référence à leurs représentations et leur histoire ou expérience personnelle ;
  • cantonnent les prises de parole et échanges des élèves et différents intervenants à la sphère publique ; aussi n'est-il pas souhaitable d'évoquer dans un cadre collectif la situation particulière d'un des participants ;
  • relayent les souhaits d'expression des élèves relevant de la sphère privée à un échange individuel ultérieur ; cet échange a obligatoirement lieu en présence d'un personnel de l'éducation nationale ;
  • en aucun cas l'intervenant ne transmet ses coordonnées personnelles lors de la séance.

Les parents sont informés de la tenue de la séance et peuvent bénéficier de ressources concernant la thématique retenue.

Les séances d'information et de sensibilisation à l'enfance maltraitée sont mises en œuvre par les équipes éducatives. Elles peuvent s'appuyer sur des partenaires institutionnels ou associatifs dont l'intervention doit être autorisée par le chef d'établissement ou le directeur d'école. Le cas échéant, l'équipe éducative est maître du pilotage du projet et s'assure de la cohérence de l'action envisagée avec la politique de prévention et de l'enfance en danger du projet d'établissement, de circonscription ou d'école. Un projet auquel contribue un partenaire au sein de l'école ou de l'établissement est nécessairement construit en partenariat avec l'équipe éducative et est intégrée autant que possible aux actions du CESCE.

Dans le premier degré, les interventions des partenaires extérieurs se conforment aux dispositions de la circulaire n° 92-196 du 3 juillet 1992 relatives à la participation d'intervenants extérieurs aux activités d'enseignement dans les écoles maternelles et élémentaires.

Les directeurs d'école et les chefs d'établissement privilégient les associations titulaires d'un agrément national ou académique. Aux termes de l'article D. 551-6 du Code de l'éducation, « Le directeur d'école ou le chef d'établissement peut, pour une intervention exceptionnelle, autoriser dans les mêmes conditions l'intervention d'une association non agréée s'il a auparavant informé du projet d'intervention le recteur d'académie ou l'inspecteur d'académie-directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie, dans le cas où celui-ci a reçu délégation de signature. Après avoir pris connaissance de ce projet, l'autorité académique peut notifier au directeur d'école ou au chef d'établissement son opposition à l'action projetée. » L'autorité académique veillera à systématiser l'examen de ces demandes et à formuler un avis exprès sur l'action projetée.

Les associations agréées au titre des dispositions des articles D. 551-1 à D. 551-5 du Code de l'éducation et les partenaires non-agréés veillent à la moralité de leurs bénévoles et de leurs salariés intervenant dans les écoles et dans les établissements scolaires, en veillant à ce que ces derniers n'aient pas fait l'objet d'une condamnation judiciaire incompatible avec l'exercice d'une activité auprès d'élèves.

Une évaluation de la séance sera effectuée en coordination entre l'ensemble des intervenants : partenaires extérieurs et les personnels de l'établissements et l'école. Toute difficulté identifiée est signalée à l'autorité académique.

Un intervenant extérieur est toujours accompagné d'un personnel de l'éducation nationale ayant participé à l'élaboration du projet dans ses interactions individuelles et collectives avec les élèves.

En aucun cas, l'action menée par un partenaire ne peut prendre la forme d'un entretien individuel avec un ou plusieurs élèves.

Les ressources et personnes à mobiliser présentées aux élèves pour permettre de réagir efficacement à des situations et actes de maltraitance dont eux-mêmes ou un de leurs proches seraient victimes, sont celles listées supra. Une association peut présenter des plateformes téléphoniques ou numériques qui leur sont propres à la condition que cette communication soit prévue dans le cadre de leur agrément. En aucun cas, un intervenant extérieur ne communique ses coordonnées personnelles.

Les faits révélés au sein de l'établissement relevant d'une information préoccupante ou d'un signalement, quelles que soient leurs modalités de recueil, y compris écrites, sont pris en compte et traités par les personnels de l'éducation nationale au regard des circuits de transmission mis en œuvre au sein de l'établissement ou de l'école. Dans le cadre de révélations faites directement et hors de l'institution scolaire par un élève à un partenaire à la suite d'une séance d'information et de sensibilisation, le partenaire est invité, quand l'intérêt de l'enfant le justifie, à en informer l'école ou l'établissement et plus spécifiquement le service social en faveur des élèves, en particulier si cette révélation fait l'objet d'une information préoccupante à la cellule de recueil, d'évaluation et de traitement des informations préoccupantes (Crip) ou d'un signalement au procureur de la République.

Pour le ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, et par délégation,
Le directeur général de l'enseignement scolaire,
Édouard Geffray